À propos de l'interview
Cette série présente les différentes réponses à des questions sur l'arrivée, l'adaptation et la vie au Canada. Une partie est également consacrée à ce que les participants aimeraient que vous sachiez. Sauf dans les cas où elles ont été modifiées pour plus de clarté, toutes les réponses sont formulées dans les propres mots de la personne interrogée.
Dans cette interview, K.H.D. parle de son expérience d'arrivée au Canada à l'âge de 13 ans et donne des conseils à d'autres jeunes nouveaux arrivants qui se trouvent dans une situation similaire.
Comment était la situation à ton arrivée ?
Je suis arrivée au Canada à l'âge de 13 ans, vers le mois de septembre, pour commencer ma première année de lycée. Le temps devenait plus froid et j'ai ressenti comme une énorme transition le fait de changer de pays à cet âge. J'allais dans une nouvelle école, et il y avait beaucoup de choses à apprendre et auxquelles il fallait s'adapter. Je commençais le lycée et j'avais l'impression qu'il y avait tellement de changements dans ma vie.
Je me souviens avoir eu l'impression de devoir me dépêcher de m'adapter à ce nouveau mode de vie, d'autant plus que ma mère avait vendu tout ce que nous possédions en Guyane pour pouvoir s'offrir des billets d'avion et gagner suffisamment d'argent pour venir s'installer ici. J'ai eu l'impression que ma mère avait fait beaucoup de sacrifices pour nous amener ici et nous offrir de meilleures opportunités. Elle a fait tant de sacrifices que j'ai pensé que je ne devais pas me plaindre ou faire toute une histoire de tous ces nouveaux ajustements. C'était beaucoup de pression pour une fille de 13 ou 14 ans d'apprendre à s'adapter et d'essayer de réussir le mieux possible. J'étais la fille aînée et la dernière chose que je voulais faire était d'alourdir le fardeau de ma mère. J'ai donc fait de mon mieux pour montrer l'exemple à mes frères et sœurs et pour donner le meilleur de moi-même.
De quelles expériences te rappelles-tu qui t'ont fait te sentir accueillie et où as-tu trouvé une communauté (activités en ligne, école, etc.) ?
Je me suis sentie très bien accueillie au sein de ma cellule familiale, car nous avons déménagé au Canada avec la plupart des membres de ma famille élargie - et ma mère est l'une des huit frères et sœurs de sa famille. Nous étions les sixièmes de sa famille à déménager au Canada, et j'ai donc pu compter sur le soutien de mes cousins, tantes, oncles et grands-parents.
C'est dans ma famille que j'ai vraiment ressenti un sentiment d'appartenance, car retrouver les miens signifiait que je pouvais enfin entrer en contact et faire partie de cette famille dont nous n'avions jamais entendu parler que par des visites, des lettres, des cartes postales ou des appels téléphoniques. Ils m'ont appris tous les tenants et les aboutissants, m'ont indiqué où faire les courses, où il était prudent d'aller ou de ne pas aller. Ils m'ont en quelque sorte donné les informations les plus récentes.
Je n'avais pas de cousins de mon âge, car j'étais aînée. Je n'avais donc personne dans ma famille qui était adolescent et qui pouvait me parler des trucs d'adolescents. J'ai donc pris des morceaux de conversations d'adultes et j'ai essayé de voir si cela pouvait s'intégrer dans ma vie. À l'époque, je n'ai pas vraiment trouvé de véritable sentiment de communauté à l'école. Il m'a fallu quelques années pour construire ce réseau social. Au début, c'est donc avec ma famille que je passais du temps.
Lorsque j'ai déménagé au Canada, j'ai vécu avec ma tante à Whitby et l'école secondaire que j'ai fréquentée se trouvait à Ajax. C'était une école secondaire assez récente, et je m'asseyais donc à la table de la cafétéria avec un groupe d'autres nouveaux arrivants à l'heure du déjeuner. Mon groupe se composait de moi-même, de quelques amis de Malaisie, des Philippines et du Royaume-Uni. Nous avions pas mal de choses en commun car le système scolaire que nous connaissions était le modèle britannique et nous avions passé le même diplôme (ici, il s'agirait d'un grade). J'y ai donc trouvé une communauté.
Quel conseil donnerais-tu à une jeune personne nouvellement arrivée se trouvant dans une situation similaire ?
Je dirais qu'il est tout à fait normal de conserver ses traditions, sa culture et ses croyances. Parce que, surtout quand on est jeune, on est poussé à s'intégrer pour se faire des amis. Cette pression que vous ressentez pour vous assimiler et agir d'une certaine manière, vous habiller d'une certaine manière et vous comporter d'une certaine manière pour que les gens d'ici vous apprécient peut parfois être très forte. Mais vous gagnerez beaucoup de force en faisant confiance à votre propre identité et à votre éducation. Acceptez que votre repas soit différent de celui des autres, appréciez votre façon "amusante" de parler, corrigez les gens lorsqu'ils prononcent mal votre nom. Cela fait partie de votre identité, c'est ce que vous êtes, et vous ne devriez pas avoir à le changer pour vous adapter à la société canadienne.
Je tiens également à vous avertir qu'au cours de votre vie, vous serez peut-être confronté à une forme de discrimination, de micro-agression ou de racisme structurel. Vous n'avez pas à accepter cela comme faisant partie de la norme. En grandissant, j'ai trouvé normal d'entendre parler d'endroits comme le Canada et l'Amérique. Comme si ces pays étaient des terres magiques où la vie est tellement meilleure et où les gens sont tellement plus heureux. Dans cette optique, il est naturel de mettre le mode de vie canadien sur un piédestal. Je me souviens avoir eu l'impression que ce pays était la terre des opportunités, et que je devais donc être reconnaissant d'être ici. Mais lorsque l'on est confronté au racisme, cette gratitude n'est pas une dette. Vous n'êtes pas obligé d'accepter un comportement peu accueillant, et si vous êtes confronté à un traitement inégal, assurez-vous d'en parler à quelqu'un en qui vous avez confiance et qui vous soutiendra dans cette expérience.
Je vous suggère également de prendre l'initiative de vous renseigner sur les communautés autochtones et leur histoire. Je n'ai pas appris leurs histoires lorsque j'étais une jeune nouvelle arrivante à l'école secondaire, mais en apprendre plus sur les communautés indigènes du Canada et sur leurs histoires peut vraiment élargir votre perspective.
Y a-t-il autre chose que tu aimerais partager ?
Je me souviens de la façon dont les gens minimisaient ou méprisaient les expériences vécues par les immigrés. Des termes comme "fraîchement débarqué" n'étaient pas vraiment valorisants. On essaie donc de minimiser le moment où l'on arrive au Canada pour la première fois, ou ce qu'est cette expérience. Mais en même temps, cela peut être préjudiciable, car cela signifie que vous ne vous donnez pas vraiment l'occasion d'obtenir le soutien dont vous avez besoin et de vous exprimer.
Il semble qu'il y ait beaucoup plus de programmes et de services pour les nouveaux arrivants, les jeunes BIPOC et les étudiants de première génération aujourd'hui que lorsque j'étais à l'école. Je vous conseille d'utiliser pleinement ces services et ces aides dans le cadre de votre transition vers la vie au Canada. C'est un moyen d'acquérir un avantage et de créer des systèmes de soutien pour vous-même. Ne sous-estimez pas la valeur de la communauté.